samedi 20 mars 2010

Herman Melville : Timoleon

80 pages
15 x 23
20 euros
La première vocation de Melville (1819–1891) fut poétique. Lorsqu’il entreprend son œuvre romanesque, il l’envisage comme une entreprise strictement professionnelle, comme le fut sa vie maritime. Ses romans deviendront de plus en plus personnels et poétiques, à partir de La Vareuse Blanche et de Redburn, et suite aux relatifs échecs commerciaux qui s’affirment. Il est un lieu commun aujourd’hui de voir en Moby Dick et Pierre ou les ambiguïtés de grands poèmes en prose. D’ailleurs sa prose est parfois émaillée de poèmes, comme Redburn et Billy Budd. On sait aussi, notamment grâce à Charles Olson, le caractère shakespearien de l’opus melvillien; il y a, de plus, ces surprenants chapitres de Moby Dick conçus comme des poèmes dramatiques en prose.
D’échec en échec, de celui de Moby Dick jusqu’à celui plus cuisant encore de Pierre, Melville décide de se retirer dans les « terres » (geste combien symbolique pour ce marin) et de se consacrer exclusivement à l’œuvre poétique qu’il porte en lui, en vers cette fois. Naîtront, essentiellement Clarel et son ultime recueil poétique, Timoléon en 1891. Tout l’univers de Melville traverse ce dernier livre achevé, la mer, les mythologies qui le hantent, sa connaissance de l’humaine nature, Hawthorne, l’exil et la mort.

vendredi 19 mars 2010

Charles Olson: Les poèmes de Maximus

928 pages
15 x 24
40 euros
Les Poèmes de Maximus sont une des œuvres majeures de la poésie américaine de l’après-guerre. Poèmes salués par ces grands prédécesseurs, William Carlos Williams ou encore Ezra Pound, ils s’inscrivent dans cette tradition (nouvelle et strictement américaine) de grands poèmes embrassant histoire et philosophie.
De Gloucester, Maximus envoie des Lettres, qui sont autant de Chants, traversées par l’histoire américaine, celle d’avant l’arrivée des Européens, les implantations diverses, l’invention de ce nouveau monde avec ses vertus et les éléments constitutifs condamnés par Olson (la péjorocratie). De ce port de pêche, l’Histoire économique, symbolique, mythologique et religieuse est revisitée du point de vue de Maximus, posté sur le guet. Gloucester, symboliquement, signifie aussi la fin des migrations.

Les poèmes, trois volumes rassemblés sur plus de 630 pages, sont traduits pour la première fois dans leur intégralité. Ils sont suivis d’un essai du traducteur (Auxeméry, travaillant sur Olson depuis près de trente ans) sur la complexité de ces poèmes, sur leur conception et évolution. D’autre part, de précieux glossaires aideront le lecteur à s’y retrouver dans les innombrables références ou allusions, tant historiques, géographiques, mythologiques, philosophiques, etc.
La beauté de ces poèmes ne repose pas sur l’érudition de leur auteur, mais il nous a semblé qu’ouvrir les portes de la bibliothèque olsonnienne enrichirait davantage la lecture, permettant d’en mesurer l’intégralité des enjeux.

Charles Olson (1910-1970), après avoir travaillé pour l’administration Roosevelt, publiera son essai sur Herman Melville (Appelez-moi Ismaël, Gallimard, 1962) et fera de Gloucester, port qu’il découvrira enfant avec son père, le lieu de son vaste poème, son lieu de création. Il poursuivra, par ailleurs, l’écriture de nombreux autres poèmes, essais, manifestes (dont son célèbre Vers Projectif) et dirigera le très fameux Black Mountain College.

Auxeméry, né en 1947, est poète et traducteur.
Il a notamment publié Parafe, Codex, Les Animaux industrieux chez Flammarion et Les Actes d’Hélène chez Ulysse Fin de siècle.
Il a traduit, entre autres, Charles Reznikof, H. D., Ezra Pound, Robert Creeley, W. C. Williams, Nathaniel Tarn, Titos Patrikios, Démosthène Agrafiotis et Catulle.
Auxeméry travaille sur Charles Olson depuis près de trente ans.

William Carlos Williams : Al Que Quiere!

112 pages
15 x 23
20 euros


William Carlos Williams (1883-1963) est devenu progressivement une des figures déterminantes de la littérature américaine. D’abord jeune homme profondément influencé par Keats, Ezra Pound le presse à entrer dans son siècle et il rejoint un temps les Imagists. Après cette rencontre capitale, Williams n’aura de cesse d’expérimenter dans l’art du vers et de la prose afin de doter la littérature américaine d’une identité bien distincte de l’identité européenne, tout en poursuivant son métier de médecin. Il aura, avec Ezra Pound, une influence déterminante sur les générations qui vont suivre, tant sur les poètes des années 30 (George Oppen, Louis Zukosky, Charles Reznikoff...) que sur ceux des années 50 (Allen Ginsberg, Robert Duncan, Charles Olson...)
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A redécouvrir aujourd’hui Al Que Quiere ! ce qui frappe rétrospectivement c’est la lucidité du seul Wallace Stevens qui a vu dans ce recueil, publié en 1917 alors que William Carlos Williams à 34 ans, une oeuvre déterminante pour l’avenir de la poésie américaine et les prémices de ce qui constituera toute l’oeuvre de Williams.
Les poèmes qui composent ce livre frappent par leur audace, la variété des thèmes abordés, leur variété métrique, des vers amples aux plus syncopés. Ce recueil nous ouvre les portes du laboratoire de ce médecin-poète qui bat la campagne jour et nuit pour soulager les plus démunis : lui qui est invité à entrer dans leur intimité, comme la nature alentour l’invite à une autre intimité auquel il répond à chaque moment de liberté avec la sensualité et la quête poétique la plus libre, dansante.
Williams a soldé l’héritage keatsien, et son aventure américaine peut commencer, et la figure tutélaire de Whitman s’efface aussi par l’invention de sa propre poétique et ses découvertes prosodiques. Après des poèmes serrant au plus près cette Amérique rurale pour laquelle il trouve à sa nouveauté dans le champ poétique des équivalences formelles – comme il le fera pour ses visions urbaines, intégrant le cubisme avant ses confrères, se dégageant ainsi de l’Imagisme de Pound – il introduit le verbe de chacun dans le poème. Un verbe américain.
"Matinée de janvier" sera un poème déterminant pour les poètes à venir, que ce soient Zukofsky, Oppen ou Reznikoff. Williams fait déjà entrer dans le poème son quotidien, sa biographie, Flossie, sa femme, son fils, sa grand-mère… et le choix de ce titre espagnol ("A qui en veut", rêve démocrate…) est référent à ces racines maternelles et à son amour de la poésie espagnole (Romancero, Lorca, Quevedo, qu’il traduira avec sa mère).
"L’Errant", poème écrit avant les autres mais placé là, en fin – comme profession de foi et adieu lyrique vers d’autres formes – par souci de ne céder à aucun didactisme, délicatesse suprême de ne pas présenter les choses de façon programatique mais dans le seul souci d’un équilibre poétique sans cesse réinventé.

Juan Ramon Jimenez : Journal d'un poète jeune marié

248 pages
15 x 23
20 euros
Juan Ramón Jiménez (1881-1958), prix Nobel de Littérature en 1956, ami d’Antonio Machado et aîné capital de Federico García Lorca, fut un des plus imminents poètes espagnols de son temps.
Outre Lorca, son œuvre marquera Miguel Hernandez ou encore Octavio Paz.
Avec Zenobia, son épouse, il part en exil en 1936. Après New-York et Cuba, c’est à Porto-Rico que le couple s’installe en 1951.
Zenobia mourra l’année où le poète reçoit le Nobel.
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Publié en 1917, ce Journal d’un poète jeune marié fut écrit en 1916, alors que Zenobia et le poète partaient à New York pour se marier.
Texte majeur de la littérature espagnole, autant journal de voyage que recueil poétique mêlant vers et prose, que l’on peut mettre en perspective avec les poèmes de Lorca découvrant New York plus d’une décennie plus tard.
Jiménez tient le journal de ses sensations, de l’infime qu’offrent la nature, la mer, le déplacement du corps, de sa géographie intime à la découverte du gigantisme américain, d’un nouvel espace urbain.
Dans la maîtrise de son langage poétique, précis, à la découverte de celui d’Emily Dickinson ou de Whitman et la confrontation à la modernité la plus affirmée.

Jean Carrive : Au bagne et autres proses de Franz Kafka

208 pages
15 x 23
20 euros

Jean Carrive (1905-1963) rencontre les surréalistes en 1923 - il est cité dans le premier manifeste de Breton - mais dès 1928, il s’en éloigne. Dans la fin de ces années 20, il fut proche de Monny de Boully et de la revue Discontinuité d’Adamov, et malgré des tentatives de rapprochement avec René Daumal, de profonds désaccords éloigneront les deux hommes. C’est à partir de 1938, que son activité de traducteur et de commentateur de Kafka va l’occuper tout entier. Il y a aussi les nouvelles amitiés, avec Pierre Klossowski, Pierre Leyris, Brice Parain… Il traduira essentiellement les “pièces courtes” de Kafka (quand Vialatte sera le traducteur des romans) : Nouvelles, Paraboles, Aphorismes. Outre La muraille de Chine, qui sera reprise en volume chez Gallimard, toutes ses traductions ne sont parues qu’en revues, L’Arbalète, Les Cahiers du Sud, notamment.
Ce livre rassemble ses textes épars et introuvables. Traductions et commentaires.
Au bagne, Aphorismes, préfaces aux Recherches d’un chien, à La Muraille de Chine, Paraboles, Un petit bout de femme.
Il propose aussi les lettres inédites de Jean Carrive à Jean Ballard, directeur des Cahiers du Sud, parfaitement éclairante sur le contexte historique (nous sommes sous l’Occupation qui motive révoltes et dégoût absolus chez lui), sur sa personnalité singulière et sur sa démarche intellectuelle où se mêlent affirmations enthousiastes et polémiques.
Nous trouverons aussi les articles que Marthe Robert et de Pierre Klossowski ont consacré à Carrive traducteur de Kafka.

En ces années de troubles profonds, Jean Carrive, de confession protestante, est traversé par le religieux, comme certains de ses contemporains (qu’ils se réunissent autour du Grand Jeu ou d’Acéphale) ; dans son cas, c’est la théologie négative qu’il essaie de circonscrire. Philosophie, religion et littérature doivent converger contre les idéologies.
Voici les mots que Klossowski prononça à la mort de son ami : “Toute votre vie si intense, si rapide et si allègrement dépensée dans la solidarité des souffrances, mais aussi dans une franche aspiration à la beauté de la vie (…), votre certitude de retrouver et de maintenir la splendeur des mondes disparus comme autant de raisons d’être pour l’homme aujourd’hui, voilà bien ce qui fait de vous une digne et singulière figure de la race humaniste du libre examen, cette secrète nation qui, par-delà la révocation de l’édit de Nantes, a marqué et approfondi la conscience française en l’enrichissant de cette rare propension à une incessante interrogation de soi-même, la douant aussi d’une curiosité jamais satisfaite à l’égard de tout ce qui doit décider de nos destins.”

Tous les documents ont été rassemblés et présentés par Jean-Paul Jacquier.

William Carlos Williams : Un jeune martyr, suivi de Adam & Eve & La cité

104 pages
15 x 23
20 euros

An Early Martyr et Adam & Eve & The City paraissent respectivement en 1935 et 1936. William Carlos Williams écrira en 1958 qu’il les considère comme “d’inséparables compagnons”, c’est donc tout logiquement que les voilà réunis en un même volume dans cette première traduction intégrale en français.
Outre leur grande beauté, ces deux recueils ont une place déterminante dans l’œuvre du poète : points culminants d’une période autant qu’ils anticipent ce qui deviendra son chef-d’œuvre, Paterson. Il y invente le rythme singulier (syncopé) qui sera sa signature définitive.
Ces recueils, tout autant, se situent au plus près de la réalité humaine qu’il éprouve chaque jour à travers sa condition de médecin : souffrances physiologiques, psychologiques, sociales; et de sa révolte devant l’injustice (Un jeune martyr étant ici inspiré de l’histoire de John Coffee, ce Robin des Bois d’origine irlandaise).
Ces poèmes simplement humains dans le plus merveilleux raffinement et la plus grande des libertés imposent la singularité de ce grand américain (“une espèce de Diogène de la poésie contemporaine” disait de lui Wallace Stevens) qui bouleversera durablement l’art poétique moderne.
Il est hautement symbolique que l’on ait retrouvé cette dédicace sur le manuscrit d’Adam & Eve & The City : “en souvenir d’un voyage de pèlerins chez les bâtisseurs de pyramides et leurs esclaves; pour mon ami Louis Zukofsky”.

Leonardo Sinisgalli : L'Age de la lune

208 pages
15 x 23
20 euros

Publié en 1962, L’âge de la lune, est un livre central dans l’œuvre de Sinisgalli. L’univers du poète est là tout entier, en sa maturité, à travers son art précis du vers, et des textes en prose elliptiques, de grandes enjambées... Dans ce livre, vers et prose se confrontent donc, réflexions sur la poésie, la peinture, aphorismes… Un texte majeur de la littérature italienne.
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Extrait de la préface

Tout juste couronné par le Prix de poésie Etna-Taormina, Sinisgalli publie un important volume de courts textes en prose et de poèmes écrits entre 1956 et 1962,
L’età della luna (L’âge de la lune). Livre charnière, L’âge de la lune est, selon Giancarlo Vignelli, “le livre le plus ouvert, le plus neuf, le plus élevé de Sinisgalli ; ça ne suffit pas, c’est un de ces livres symptomatiques qui enregistrent, jusque dans les résultats, un “cours nouveau” de la poésie, et lui confèrent une impulsion stimulante.” Si “l’amour du Poète est la réalité qu’il détruit”, la poésie n’en possède pas moins une substance inaltérable, fermée de tous les côtés parce que complète dès l’instant insaisissable de sa naissance, où opère la symbiose entre intellect et instinct, entre raison et passion, entre réel et imaginaire. Dans cet ouvrage, les noms de rues, de places, de fleuves et de villes abondent, reflétant cette conscience de l’espace terrestre de Sinisgalli partagée entre ce pôle d’existence qu’est son pays natal transfiguré et le nomadisme de sa vie professionnelle, décrit, sous la forme d’un contrepoint ironique, par l’immobilité du scribe. C’est que chaque lieu est un point et un fragment du temps, un moment du jour, qui est lui-même un élément de ces saisons qui se succèdent selon un rythme millénaire. L’héritage rural et terrien de Sinisgalli coïncide ici avec son sens cosmique de la nature, dans une sorte d’intemporalité qu’est cet âge de la lune.

E. E. Cummings : & [et]

128 pages
15 x 23
20 euros

Tulips and Chimneys est paru en 1923, son éditeur, Thomas Seltzer n’a choisi que soixante-dix poèmes de l’important corpus que lui a confié Cummings. Sa frilosité commandera ses choix car ce sont les poèmes les plus audacieux, tant formellement que par ce que l’Amérique alors juge obscène, qui sont écartés. Cummings écrira alors à sa mère : “Quand ma barbe sera blanche de gâtisme, etc., les Tulipes & Cheminées en leur entier vont être publiées en 71 extraits sélectifs différents effectués par 407 éditeurs”.
En fait, il faudra trois ouvrages pour que soient publiés intégralement les poèmes d’origine. Après Tulips and Chimneys (dont l’& est écarté par l’éditeur) en 1923, Dial Press publiera en 1925 XLI Poems, et Cummings prendra en charge la même année la publication de &, regroupant et réorganisant ce qu’il reste d’inédits de ce premier corpus et ajoutant à l’ensemble quelques nouvelles pièces. Ce n’est pas sans provocation que Cummings publie ce livre - le seul à compte d’auteur - sous le titre de cette esperluette seule, esperluette refusée dans le titre, comme ces poèmes les plus audacieux, par son premier éditeur.
Après avoir publié XLI Poèmes, nous offrons, pour la première fois au lecteur français, dans son intégralité & [Et].

Salvatore Quasimodo : Ouvrier des songes

74 pages
15 x 23
20 euros

Sous le titre, Ouvrier des songes, voici réunis trois recueils (Jour après jour, La vie n’est pas un songe et Le faux et le vrai vert) du grand poète italien, Salvatore Quasimodo (1901-1968) qui a obtenu le Prix Nobel en 1959.
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Extraits de la préface

La guerre, la vie et son travail de traducteur ont profondément influencé sa façon de
“faire de la poésie”. Quasimodo publie Giorno dopo giorno, recueil de la pleine maturité et de la dignité humaine retrouvée. Le poème “Aux branches des saules” qui ouvre le livre s’inspire directement du Psaume 137, où il est que les Juifs avaient suspendu leurs harpes aux branches des saules, ayant perdu la joie de chanter parce que prisonniers en terre étrangère. Il est une évocation métaphorique des horreurs perpétrées par les Nazis sur la population civile. Quasimodo inaugure là une poésie nouvelle, qui n’est plus à proprement parler hermétique, mais bien celle d’un “homme de son temps”, prompt à dénoncer la cruauté humaine et à exprimer, de façon violente, la complexité de la civilisation. Mais ce recueil, qui est sans doute l’un des chefs-d’œuvre de la poésie italienne, est le produit d’un “esprit en révolte, en proie à la colère du présent et à l’aspiration prophétique du futur”.
La vita non è sogno qui lui vaudra, l’année suivante, le prix San Babila, s’inscrit dans le lignage irréversible d’une poésie à la fois citoyenne et chorale initiée par Giorno dopo giorno. Mais les poèmes qui le composent sont toutefois plus apaisés, car éloignés des souffrances et des espoirs des années d’immédiate après-guerre, même si “les poètes n’oublient pas”. Ce bref recueil qui ne contient que neuf compositions et dont le titre est une allusion évidente à la pièce de Calderón de la Barca, est avant tout celui d’un homme “qui a définitivement ouvert les yeux sur l’existence”, mais qui a su se mettre en harmonie avec son temps, dont il accepte et respecte les angoisses et les espérances.
En 1956, trois ans après avoir reçu le prix Etna-Taormina en même temps que Dylan Thomas, Quasimodo publie Il falso e vero verde, ce recueil traduit les contradictions irrésolues, entre évocation du passé et volonté généreuse de renouvellement, qui s’expriment dans les ardentes inquiétudes d’un
“ennemi de la mort” et l’humanisme terrien d’un “homme des quatre éléments”.

Jean Legrand : Tandis qu'Ulysse vagabonde

240 pages
15 x 23
20 euros

Alors que Joyce fit tenir son Ulysse dans vingt-quatre heures, Jean Legrand fait tenir son roman en quelques minutes et les quelques heures qui vont suivre. Les minutes où deux regards se croisent. Le regard de Louise, sa compagne, croise celui de Jean alors que celui-ci vient de lire quelques lignes d’un journal. Voilà le prétexte… “Réfugiés” dans un mas, près de Montpellier, ils s’étaient jurés de ne plus jamais laisser le monde extérieur et ses médias venir envahir leur espace intime, depuis les atrocités révélées, les champs de ruines… Ce petit “réflexe” anodin (la lecture du journal) et le regard que lui lance alors Louise, provoquent un long monologue au cours duquel il revient sur leur solitude, leur exil, leur passé commun, de lutte, de parisiens, leur passé commun, mais aussi le sien propre et ce qu’il sait de celui de Louise avec toute la tendresse de l’amant. Prétexte encore, pour Jean Legrand, à parler d’amour et de révolution, de cet amour, entier, pour la femme à la chair adorée, mais qui dût subir, elle aussi, souffrances et désillusions. Ce roman, écrit entre 1956 et 1959, se compose comme un ultime manifeste visant la synthèse de la vie et de l’art, sans que ni art ni vie ne soient diminués mais au contraire où chacun atteint ses pleins pouvoirs, sa connaissance ultime. Anticipant sur les préoccupations de ses contemporains, notamment des situationnistes, mais surtout œuvre d’un Jean Legrand, toujours singulier, à lire de toute urgence…
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Jean Legrand est né à Montpellier en 1910, il mourra en 1982 à Paris. À vingt ans il quitte le sud pour Paris où il entreprend un combat littéraire et idéologique qui sera sa vie même. Actif imprimeur et éditeur, notamment de Georges Bataille et de Benjamin Péret, il fréquente René Crevel et surtout Claude Cahun. Il ne sera jamais surréaliste, ni même un “compagnon de route”, trop singulier pour cela, même s’il défendra toujours leurs avancées face à la réaction. La guerre arrive, il imprime les tracts de Contre-Attaque de Bataille, publie ses manifestes et poèmes. Après quoi, Jean Paulhan, appuyé par Queneau, le défend, publie chez Gallimard, Le Journal de Jacques dans la collection Blanche et lui ouvre, à ses ami(e)s “Sensorialistes” et à lui, les colonnes des Cahiers de la Pleïade. Léon Pierre-Quint, premier biographe de Proust, éditeur-mécène des poètes du Grand Jeu, publie au Sagittaire, Jacques ou L’homme possible, premier volet, en fait, de sa trilogie ; le dernier volet, Jacques et Aurette, sera publié par Gallimard. De cette année 48 jusqu’à sa mort, Jean Legrand, se verra refuser tous ses manuscrits. La “suite” de sa trilogie demeure inédite, ainsi que plusieurs romans. Tandis qu’Ulysse vagabonde que nous publions aujourd'hui peut se lire comme le testament littéraire et intellectuel d'un écrivain exigeant et intransigeant qui resta d'une fidélité exemplaire à ses premiers engagements.

Armand Robin : Lettres à Jean Guéhenno, suivi de Lettres à Jules Superveille

96 pages
15 x 23
20 euros

Document de première importance, ces Lettres à Jean Guéhenno nous révèlent un jeune Armand Robin (1912-1961), extraordinairement lucide, déterminé, et envisageant déjà, presque au détail près, ce que sera son destin humain et littéraire.
Il est alors un jeune étudiant, convaincu de ses échecs à venir, de la « non-carrière » qui l'attend. Jean Guéhenno est alors son professeur attentif, admiratif déjà de ce jeune homme des plus doués. Armand Robin confie à ce « maître » ces projets et ambitions, le traducteur déjà, le poète surtout et l'auteur du Temps qu'il fait naît sous nos yeux. Le plus étonnant c'est de voir Robin décliner l'offre que lui fait Guéhenno de devenir un collaborateur de la revue Europe : il revient d'un séjour en URSS, est révolté de la souffrance physique et spirituelle qui y règne et de la victoire de cette « fausse parole » qu'il dénoncera toute sa vie durant. Il dresse un plan précis de son avenir, de refus de toute forme de pouvoir, d'être, toujours, d'où qu'ils soient, au côté des persécutés. D'être cette voix par laquelle passe toutes les voix de poésie véritable, des plus humbles, comme ces paysans bretons qui l'ont élevé, aux plus grands poètes de par le monde.

Italo Svevo - Eugenio Montale : Correspondance

152 pages
15 x 23
20 euros

Eugenio Montale (1896-1981) est encore un jeune poète quand il écrit au « maître » pour l'informer qu'il lui a consacré et va lui consacrer divers articles estimant qu'il n'occupe pas la place qu'il mérite. Svevo (1861-1928) lui répond le plus humblement du monde, touché par cette attention. Ainsi commence cette étonnante correspondance entre les deux triestins, émouvante par la simplicité des deux hommes malgré l'ampleur des enjeux littéraires.
Au fil des lettres, Montale incite Svevo a rééditer ses premières œuvres, Une vie, Senilita... Svevo, flatté et heureux de cet intérêt, relit ces textes, prépare des éditions nouvelles, comme s'il s'agissait de l'œuvre d'un autre dont il n'était pas sûr de l'intérêt véritable vu le peu de cas que l'on a fait de son œuvre jusque là (La Conscience de Zeno fut lui aussi un échec cuisant). Montale le soutient dans ce travail, fait part à Svevo de ces projets, des études en cours sur son oeuvre, demande des documents pour poursuivre son travail critique et des documents concernant Joyce, illustre triestin « occasionnel » qui fut proche de Svevo. Ils s'entretiennent bien sûr aussi de Crémieux et de Larbaud. Les deux hommes se parlent à demi-mots, c'est un concert feutré et d'une grande beauté.

Jean Legrand : Coeur de chair, suivi de Bulbes et vaisseaux

96 pages
15 x 23
20 euros

Jean Legrand est né à Montpellier en 1910, il mourra en 1982 à Paris. À vingt ans il quitte le Sud pour Paris où il entreprend un combat littéraire et idéologique qui sera sa vie même. Actif imprimeur et éditeur, notamment de Georges Bataille et de Benjamin Péret, il fréquente René Crevel, et surtout Claude Cahun (cf. le Claude Cahun de François Leperlier, Fayard, qui a aussi préfacé L’Amour Insolent de Legrand pour La Termitière) . Il ne sera jamais surréaliste, ni même un « compagnon de route », trop singulier pour cela, même s’il défendra toujours leurs avancées face à la réaction. La guerre arrive, il imprime les tracts de Contre-Attaque de Bataille, publie ses manifestes et poèmes. Après quoi, Jean Paulhan, appuyé par Queneau, le défend, publie chez Gallimard, Le Journal de Jacques dans la collection Blanche et leur ouvre, à ses ami(e)s « sensorialistes » et à lui-même, les colonnes des Cahiers de la Pléiade. Léon Pierre-Quint, premier biographe de Proust, éditeur-mécène des poètes du Grand Jeu, publie au Sagittaire, Jacques ou L’homme possible, premier volet, en fait, de sa trilogie. Le dernier volet, Jacques et Aurette, sera publié par Gallimard. De cette année 48 jusqu’à sa mort, Jean Legrand, se verra refuser tous ses manuscrits.
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Le présent ouvrage regroupe l'intégralité de son œuvre poétique. Grands recueils de recueils (certains publiés de son vivant mais la plupart inédits), ce dernier corpus avait été pensé et mis en place par Legrand lui-même dans les années cinquante.
Nous projetons de publier prochainement un roman inédit datant de 1954 que l'on peut considérer comme son testament littéraire, tant par le regard rétrospectif sur ces années de lutte que sur le réajustement de sa pensée et de la forme romanesque...

Raymond Guérin : Lettres à Déjanire

204 pages
15 x 23
20 euros

Raymond Guérin (1905-1955) bénéficie de nombreuses rééditions depuis plus de vingt ans. Depuis peu, des inédits apparaissent : extraits de ces carnets de prisonnier, chroniques littéraires, et plus récemment les lettres de captivité écrites à Sonia, chez Gallimard.
Inédites, les Lettres à Déjanire présentent un double intérêt. D'abord d'avoir été conçu comme un ouvrage destiné à la publication, il envisage en effet de le proposer parmi d'autres manuscrits à Gallimard, alors qu'il est en camps en Allemagne. Il demande l'avis de Sonia à ce propos (cf. Lettres à Sonia) voyant dans la publication d'un tel ouvrage la possibilité pour lui de montrer un autre aspect de son oeuvre, plus lumineux car il est le récit d'une croisière en Méditerranée qu'il effectuera avec sa première épouse à la fin des années 20. D'autre part, toutes les rééditions récentes et les inédits révélés occupent la période de captivité ou l'immédiat après guerre, l'oeuvre d'avant-guerre restant méconnue. Raymond Guérin est aussi l'auteur de Zobain, d'Empédocle. Les Lettres à Déjarine, donne un éclairage de première importance sur le Guérin d'avant-guerre, à ce moment crucial où le monde est au bord de la catastrophe que nous savons. Nous y découvrons un Guérin, déjà sûr de ses moyens, alors qu'il n'a que vingt-quatre ans, pressentant les drames à venir, lucide devant les désastres de la colonisation, des impérialismes de toute sorte. Nous découvrons déjà cette préoccupation majeure de Guérin, à savoir, que percevons-nous des autres et que perçoivent-ils de nous ? Pour finir, il est émouvant de le voir, à la veille du chaos dans lequel l'Europe sera bientôt plongée, en appeler à la raison, dans ce périple méditerranéen, comme ceux qui furent de ses amis et soutiens, Roger Grenier ou encore Albert Camus.

E. E. Cummings : XLI poèmes

64 pages
15 x 23
20 euros

Deuxième recueil publié par Cummings (1894-1962), après Tulipes et Cheminées et L'Enorme chambrée, son unique roman.
L'histoire de ce recueil, comme de & [and] que nous projetons de publier dans la même collection, est singulière. Tulipes et Cheminées va paraître « censuré » en 1923, certains poèmes jugés trop audacieux ayant été écartés par l'éditeur. Ce sont ces poèmes écartés qui formeront la matière de ces deux recueils suivants, XLI poèmes& (la même année) reprenant comme titre l'esperluète seule, qui fut elle aussi écartée par l'éditeur des Tulipes et Cheminées, orginellement conçu Tulipes & Cheminées par Cummings.
(1925) et XLI poems sera publié par The Dial Press, &, le sera à compte d'auteur.
Avec ce recueil, nous entrons plus avant dans cette modernité américaine dont Cummings aura été un des acteurs les plus importants. Il y reprend la thématique de Tulipes et Cheminées, « Guerre », « Chansons Innocentes », « Sonnets », etc... et aussi hommage aux peintres Kandinsky, Picasso, Picabia, dans cette liberté typographique qui sera une de ses « marques de fabrique » sans oublier la préciosité de ces « détournements » des formes classiques.