vendredi 14 janvier 2011

Sérgio Milliet : Poèmes modernistes et autres écrits

224 pages
15 x 23
20 euros

Sérgio Milliet (1898–1966) est né à São Paulo. De 1912 à 1920, il vit à Genève. C’est en Suisse que le jeune poète commence à publier, en français. Fin 1920, il retourne au Brésil où il noue des liens avec tous les écrivains brésiliens qui comptent alors (Mário de Andrade, Guilherme de Almeida, etc.). Son bilinguisme lui permet de faire le pont entre le continent sud-américain et l’européen.
Il rapporte des livres français et commence à traduire ses amis brésiliens. Il participe à la fameuse Semaine d’Art Moderne de février 1922 qui se tient au Théâtre Municipal de São Paulo. En 1923, il retourne à Paris où il fréquente Cendrars, Larbaud, Satie, entre autres, et publie, à Anvers, un nouveau recueil écrit en français Œil-de-Bœuf.
À Paris, il retrouve aussi son compatriote Oswald de Andrade et la peintre Tarsila do Amaral. Il se trouve au Brésil en 1924 pour la venue de Blaise Cendrars (il sera un des dédicataires de ses Feuilles de Route). De fin 1924 à fin 1925, il est à nouveau entre les deux continents ; il écrit en français et en brésilien, collabore à la revue anversoise de Michel Seuphor, Het Overzicht, y publiant ses propres poèmes ou des traductions de ses amis brésiliens.
Cet ouvrage rassemble les textes les plus importants de ces années décisives, textes français ou traduits du portugais. On y découvre un poète, un écrivain à la prose singulière et un critique central, avec Mário de Andrade, pour l’histoire des lettres brésiliennes modernes.

Sérgio Milliet - Roger van Rogger

C'est le hasard qui nous a fait "cohabiter" Sérgio Milliet et Roger van Rogger  - pour le tableau de couverture - le peintre ayant vécu au Brésil. Antoine Chareyre a découvert, au Brésil, un texte du poète sur le peintre. Nous voilà en plein "hasard objectif". Voici le texte, d'autre part, étrangement prémonitoire :


« En 1945 déjà j’observais à quel point chez Van Rogger l’artiste est fidèle à l’homme. Ce qui nous convainc le plus dans sa peinture, c’est exactement cette sincérité qui n’hésite pas devant les conséquences, qui n’accepte, pour ainsi dire, aucun renoncement, et met autant d’amour dans une marine romantique, intensément vécue, que dans la solution cérébrale d’une nature morte en tant que problème pictural. C’est là, d’ailleurs, ce qui caractérise les grands artistes, les créateurs, ceux qui, à leur réalisation intégrale, sacrifient le succès qu’ils pourraient atteindre par la standardisation, par l’obéissance à un style trouvé en un moment heureux et dès lors répété sans pudeur. La création est une sublimation de l’angoisse, laquelle sublimation ne peut exister que lorsque l’artiste a conscience de sa responsabilité. L’artiste crée seulement, par conséquent, quand il ne s’abandonne pas à la facilité de la copie, fût-ce la copie de ses propres solutions. En effet, à partir du moment où il commence à répéter celles-ci, il ne se confronte plus aux problèmes, au contraire il se contente de feindre, de représenter, à l’attention du public ou de la critique. D’artiste il devient capitaliste, il se met à vivre des rentes d’un capital. Cela enrichit bien souvent l’individu, mais tue l’artiste.
En se refusant aux transactions de cette espèce, Van Rogger dresse toutes sortes d’obstacles à l’approbation de la critique et du public. Mais il parvient à une récompense plus grande : la satisfaction de ne pas se trahir lui-même. »
(traduction A. Chareyre)

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